54 migrants sont arrivés hier soir à Sainte-Suzanne (Mayenne). Dans la petite commune de 1000 habitants, classée parmi les plus beaux villages de France, la tension est palpable. Les agents de l’Adoma veillent à la sécurité des migrants. Reportage.
Ce matin du 25 octobre, alors que la petite cité médiévale de Sainte-Suzanne émerge doucement et à grand renfort de cris de coqs, le calme règne devant l’ex-maison de retraite médicalisée de la petite commune de 1000 habitants. Hier soir, vers 22 heures, cinquante-quatre migrants sont arrivés de Calais.
En guise d’hospitalité, certains Suzannais avaient décidé avant-hier de décorer leur foyer : « Go home » pouvait-on lire en grand sur l’un des murs de l’établissement. C’est pour dire s’ils étaient heureux de les accueillir, ces migrants.
« Je ne vous dirai rien »
Devant la porte, Manu, un agent de sécurité m’accueille. Il griffonne mon nom sur un petit carnet. Un rapide regard me révèle que depuis une heure, quatre personnes sont déjà passées. «Ah, vous êtes journaliste ? Je ne vous dirai rien ! ».
A quelques mètres de l’entrée du foyer, les conteneures à ordures du village. Des voitures s’arrêtent à intervalles réguliers. Les conducteurs en profitent pour jeter un œil curieux vers le foyer logement.
« Ils sont arrivés ? », lance l’un d’entre eux à l’agent de sécurité. Derrière sa question, on peut sentir une pointe d’inquiétude. Il faut dire que depuis l’annonce par le préfet de l’arrivée de migrants dans ce village, il y a eu beaucoup d’agitation.
Incompréhension autour de récquisition de l’ex-Ehpad
Décision d’Etat oblige, le maire, Jean-Pierre Morteveille n’a pas eu son mot à dire pour la réquisition du foyer.
« Tout s’est fait très rapidement. Le 10 octobre, le préfet m’a appelé pour m’informer de la réquisition, l’arrêté préfectoral date du 12 octobre. Les migrants sont arrivés 12 jours plus tard »
Le dernier conseil municipal a d’ailleurs été houleux. Il faut dire que la récente fermeture de cet Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées) a suscité la polémique parmi les Suzannais. Au café de l’hôtel Beauséjour, à quelques mètres de là, Sandrine Huchet, gérante explique :
« Ce qui n’est pas passé auprès des habitants c’est qu’ils aient fermé l’Ehpad pour des raisons de sécurité et qu’ils ont ensuite accueillis des migrants. Les gens ont eu du mal à digérer cela ».
Au sein d’une population déjà ancrée à droite (le FN a récolté 32,5% des voix aux dernières élections ), l’incompréhension des habitants fait à présent le jeu du Front national. Un rassemblement sous la houlette du FN le 3 octobre dernier, ainsi qu’une pétition, ont contribué à exacerber les tensions. Le maire précise :
« ici, nous accueillons 54 migrants pour 700 habitants agglomérés. La proportion et le phénomène de masse inquiètent les Suzannais. C’est pour cela qu’il y a eu des slogans sur les murs. »
(Interview, photo et montage: Elise François-Dainville)
« Pas le droit de leur parler »
Retour du côté du foyer logement. J’aperçois un jeune homme. Un bonnet rouge vissé sur la tête. Il ne parle ni français, ni anglais, seulement arabe. Mohammed a l’air fatigué. Il m’explique qu’il vient du Soudan mais notre conversation s’arrête là. L’agent de sécurité revient, accompagné de l’éducatrice, Aurélie, la vingtaine, ravissante blonde aux yeux bleus, engagée par l’Adoma pour s’occuper des migrants pendant la journée.
« Vous n’avez pas le droit de leur poser des questions », me lance-t-elle, avant de se diriger vers l’entrée du foyer. Protection rapprochée autour des migrants, donc. Ou bien, autour de l’Adoma, société mixte mandatée par l’Etat pour gérer l’accueil des migrants.
Je questionnne: « mais comment voulez-vous qu’ils s’intègrent à la population si on ne peut même pas leur parler ? ». Ma question reste sans réponse… Mais je reviendrai.
Elise François-Dainville
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